Vins sucrés, moelleux, liquoreux. Ont-ils encore leur place à table ?
Les français ont longtemps raffolé des vins sucrés (qu’on qualifie aussi de moelleux, doux ou liquoreux) à table. De l’apéritif au dessert, on dégustait des Sauternes, des Coteaux du Layon, des vins d’Alsace en vendange tardive, etc. Mais depuis une dizaine d’années, la mode n’est plus à la douceur, et même plutôt le contraire. L’acidité règne en maître du caviste au néophyte, du sommelier à l’amateur. On recherche la tension, la droiture, la minéralité… Pourtant, l’un n’empêche pas l’autre. Et ce sont justement par leur grand équilibre, que les vins sucrés sont de magnifiques compagnons de gastronomie. A vos verres et à vos tabliers ! C’est parti pour un voyage tout en douceur dans le monde des vins sucrés !
Qu’est ce que le vin sucré ?
Un vin sucré ou doux est un vin dans lequel il reste du sucre après la fermentation alcoolique. C’est à dire que tout le sucre du raisin n’a pas été transformé en alcool. On appelle cela le sucre résiduel. En fonction du taux de sucre restant dans le vin, on classe les vins sucrés en différentes catégories :
Sec : moins de 4g/l,
Demi-sec : de 4 à 18 g/l,
Moelleux : de1 2 à 45 g/l,
Liquoreux : plus de 45g/l (jusqu’à 200 grammes de sucre par litre).
Quelques précisions et définitions
- La législation française ne permet pas de rajouter du sucre APRES la fermentation alcoolique (hors vins effervescents). Donc un vin sucré n’est pas un vin dans lequel on a rajouté du sirop ou du sucre. Sinon il n’a pu le droit de s’appeler strictement vin. Par contre, si le jus de raisin de départ (= moût) n’est pas assez sucré, la législation permet de rajouter du sucre avant fermentation. C ‘est la chaptalisation. Plus le climat est frais, plus la quantité de sucre que l’on peut rajouter est importante et inversement. En effet, s’il fait très chaud et ensoleillé, il n’y aucune raison pour que les raisins ne soient pas mûrs et manquent de sucre. Cependant, de nombreuses appellations de vins liquoreux prestigieux comme Sauternes, interdisent de chaptaliser.
- Sucres résiduels : quantité de sucre naturel (g/l) présent dans le vin après fermentation alcoolique.
Comment fait-on du vin sucré ?
Pour simplifier, il y deux manières d’obtenir un vin sucré.
- Soit on vinifie des raisins normalement mûrs. Et après une courte fermentation, on arrête volontairement la fermentation par ajout d’alcool à 96 degrés (le mutage). Il reste donc beaucoup du sucre des raisins et une bonne partie de l’alcool a été rajouté. C’est la méthode utilisée pour élaborer les vins MUTÉS comme le Banyuls ou le Muscat de Rivesaltes par exemple.
- Soit, on vinifie des raisins plus sucrés que la normale. A la fin de la fermentation, tout le sucre n’a pas été transformé en alcool, il reste donc encore des sucres résiduels. Exemples : Sauternes, Alsace vendanges tardives, Jurançon, etc. Pour obtenir ces raisins très sucrés, il existe plusieurs méthodes :
- La vendange tardive : comme son nom l’indique, on récolte les raisins plus tardivement, ils sont alors plus chargés en sucre de part le cycle naturel de la maturation d’un fruit.
- La pourriture noble : il existe un champignon appelé le botrytis cinerea qui s’attaque aux fruits et qui dans certaines conditions particulières, va donner de la « pourriture noble ». Dans ce cas précis (humidité, vent, soleil, etc), le raisin perd son eau et se concentre en sucre pour devenir presque un raisin confit.
- Le passerillage : cela consiste à faire sécher les raisins (sur pied ou en dehors, sur des clayettes, de la paille ou suspendu…). Même conséquence, le raisin perd de l’eau et se concentre en sucre, parfois presque jusqu’à ressembler à du raisin ses.
Où produit-on du vin sucré ?
En France et dans beaucoup de pays du monde entier. Chez nous, beaucoup de régions viticoles en produisent notamment l’Alsace, la Vallée de la Loire, Bordeaux, le Sud-Ouest et le Languedoc-Roussillon. Comme la qualité d’un vin sucré dépend notamment du grand équilibre entre acidité et sucre, les climats avec du soleil et de la fraîcheur sont recherchés. De même, des cépages avec une grande acidité donneront des grands liquoreux. C’est le cas du chenin en Loire ou du sémillon à Bordeaux.
D’accord mais on le boit avec quoi ?
« Avec vous » comme me répondent souvent mes clients friands de blagues. Plus sérieusement, les vins sucrés sont des partenaires de choix pour de nombreuses cuisines. A vrai dire, ce sont sûrement les vins qui permettent d’accompagner un repas entier de l’entrée au dessert. Cela est totalement impossible avec un vin blanc bien sec ou un rouge tannique.
Et oui ! car le sucre permet bien des choses, notamment d’équilibrer et d’adoucir des saveurs « compliquées à marier ». Par exemple, une cuisine très pimentée, une sauce aigre douce, ou un fromage de caractère très salé.
De plus contrairement à une idée reçue, un vin sucré peut tout à fait être servi avec un dessert. Si le vin est bien fait et donc bien équilibré par une jolie acidité, cela fonctionnera parfaitement. En effet, lorsque vous venez de prendre en bouche un morceau d’un dessert bien gourmand comme une tarte aux fraises, votre palais, vos papilles vont être saturées en sucre. Elles ne pourront pas « recevoir » une information sucrée supplémentaire. Alors le vin qui sera goûté juste après, paraîtra moins sucré et même rafraîchissant, surtout s’il est pourvu d’une belle colonne vertébrale acide, comme par exemple le MAURY CUVÉE AURÉLIE – 2018 LA PRECEPTORIE aux arômes de fruits rouges et de cacao.
Pour résumer
Donc, les vins sucrés permettent de grands accords sur :
- de la cuisine épicée et pimentée
- des saveurs aigres douces et sucrées salées
- les fromages forts en caractère et en sels comme les bleus, des chèvres très secs ou des pâtes molles à croûtes lavées bien affinées comme de l’époisses.
- des desserts
Les règles classiques des accords mets et vins
Puis vous pouvez appliquer quelques règles classiques des accords mets et vins :
- plus le vin sera puissant et fort en sucre, plus vous chercherez un accord de contraste puissant. Le VIN DE LIQUEUR MAYDIE TANNAT VINTAGE – 2016 CHATEAU AYDIE sublimera un bleu très fort comme un Stilton. Il fera également merveille sur un fondant au chocolat noir et piment d’Espelette.
- De même, un vin demi-sec se mariera sur des fromages plus légers ou des plats délicats légèrement relevés. Avec le VIN DE FRANCE LA POULE AUX OEUFS D’OR DOUX CHATEAU AYDIE, on débutera par exemple par des feuilletés au chèvre miel, puis un curry de poisson au lait de coco en plat, et terminer sur un fromage blanc au coulis de mangue.
- Pour les accords avec les douceurs, fiez vous aux arômes du vin et allez chercher les mêmes tonalités dans le dessert. Par exemple un macaron framboise litchi, glace à la rose, pour faire honneur au magnifique GEWURZTRAMINER ESTATE – 2015 HUGEL & FILS tout en notes printanières. Pour un accord salé audacieux, ce vin sera parfait sur une terrine de foie gras d’oie et chutney mangue cardamone.
En panne d’inspiration en cuisine ?
Quelques idées en plus pour vous faire saliver : un traditionnel boudin aux pommes ou un filet de canette au miel et écrasé de patates douces avec l’excellent avec COTEAUX DU LAYON COSMOS – 2019 PIERRE MENARD.
Enfin, régalez-vous d’un tajine d’agneau aux coings puis d’une tarte aux noix avec le vivant et vibrant VIN DE FRANCE OCTOBRE ORANGE – 2017 BERTIN DELATTE.
J’espère qu’après cette lecture, les vins sucrés n’ont plus de secret pour vous et surtout qu’ils retrouveront leur place à votre table !
L’auteure de l’article
Sommelière de métier et de cœur, Aurélia Reis a travaillé en restaurants gastronomiques puis en caves spécialisées. Depuis 5 ans, elle partage sa passion du vin en tant que formatrice pour les professionnels et aussi les particuliers. A la cave le vingt-deux, elle anime plusieurs cours d’œnologie. Épicurienne et enthousiaste, elle aime avant tout dénicher les perles rares des vignobles, partager sa passion pour les vins et transmettre le travail des petits et grands vignerons.